Rencontre avec Julie de Martres, ingénieure chargée d’affaires sur des projets outillages en salles d’intégrations chez Thales Alenia Space

Julie de Martres : Tout d’abord, il faudrait que je contextualise l’environnement dans lequel j’évolue. J’interviens dans la partie [AIT] de l’établissement Thales Alenia Space de Cannes, consacrée à l’Assemblage, à l’Intégration et aux Tests effectués sur les satellites. Je mène de front 2 types d’activités en parallèle, qui sont parfaitement complémentaires.
Ma première activité est liée à des projets d’outillages mécaniques permettant d’accompagner le satellite dans certains tests [thermiques, acoustiques, vibratoires], avant que les satellites ne rejoignent la base de lancement. Cette batterie de tests est indispensable. Les satellites sont, pendant la phase de lancement, soumis à des contraintes acoustiques et vibratoires sans commune mesure ; en orbite, les écarts de température oscillent entre – 150 et + 150° ; cela représente une amplitude thermique d’environ 300°… Raisons pour lesquelles ces tests sont menés avec la plus grande minutie car, comme vous le savez, une fois le satellite en orbite, il n’y a plus de SAV possible [Rires].
Mes activités de chargée d’affaires consistent à superviser la réalisation des moyens d’outillages mécaniques, qui interviennent au cours de certains tests. Je suis amenée en particulier à suivre la bonne réalisation des activités sous-traitées dans le cadre des spécifications de Thales Alenia Space. Pour vous donner un exemple, nous avons réalisé un bâti pour un instrument qui fera l’objet prochainement de tests thermiques à l’ESTEC, Centre Européen de la Recherche Spatiale, aux Pays-Bas. Le bâti en question permet de supporter l’instrument, de le faire tourner sur lui-même, de le faire pivoter de 0 à 90° ainsi que de simuler les échanges thermiques entre l’instrument et la plateforme du satellite. Il sera relié, en terme de connectiques, au Caisson Vide Thermique de l’ESTEC, le plus gros moyen d’essai d’Europe en la matière. Le moyen d’outillage que nous réalisons ne doit en aucun cas contraindre l’instrument [injecter de l’influence] pendant la phase de test.
Ma deuxième activité concerne la robotique. Je travaille en particulier sur un projet qui s’appelle ColRobot, entendez par-là « robot collaboratif » en capacité d’interagir avec un opérateur en salles blanches

JdM : ColRobot est un projet européen de Recherche et Développement, qui s’inscrit dans le cadre des projets H2020 de la Commission Européenne. Le programme, coordonné par l’ENSAM [Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers] regroupe 11 partenaires européens (écoles, instituts de recherche) ainsi que 2 industriels, qui seront les utilisateurs finaux : Renault et Thales Alenia Space. Le projet a débuté en février 2016 et aboutira en fin d’année 2018.
En l’occurrence, le recours aux robots collaboratifs pourrait parfaitement s’intégrer à notre modèle de production. Chaque satellite est fabriqué sur mesure, comme un prototype à part entière. Avec l’arrivée de nouveaux besoins, les méga-constellations en particulier, la fabrication en série devient plus évidente. A notre échelle, nous avons l’intention, dans un premier temps, de recourir aux ColRobots pour effectuer du « Kitting ». L’opération automatisée consistera à sélectionner puis empiler les vis, rondelles et écrous nécessaires pour effectuer une tâche d’intégration/assemblage spécifique sur un satellite ; le ColRobot aura réalisé un kit de visserie mis à disposition dans une boîte spécifique. Ensuite, le robot collaboratif livrera le kit du magasin jusqu’au plot d’intégration. Enfin, il viendra aider à la phase d’assemblage, en maintenant certains éléments pendant que l’opérateur procédera aux opérations de vissage. Il y aura donc un vrai travail collaboratif entre le robot et l’opérateur. Au-delà de l’amélioration de la fiabilité et des gains en cycles et en coûts, le recours aux ColRobots permettra de soulager les opérateurs et d’optimiser leur temps pour le consacrer à des tâches d’intégration plus complexes et à plus forte valeur ajoutée.

Ce projet fait partie intégrante d’une démarche stratégique globale axée autour de l’innovation : l’usine du futur. Dans ce domaine hyper compétitif qu’est celui des satellites de télécommunication, il est aujourd’hui vital de fabriquer « plus », « plus vite » et « moins cher». L’automatisation est un levier devenu résolument incontournable pour pouvoir fabriquer davantage de satellites dans un environnement industriel en pleine mutation. L’usine du futur vise à ce titre à introduire des technologies à la pointe de l’innovation dans son dispositif de production. Depuis quelques années, les innovations foisonnent : fabrication additive, réalité virtuelle, réalité augmentée, objets connectés, introduction de robots et de cobots en salles d’assemblage et d’intégration… Le futur s’est définitivement invité dans les salles blanches de Thales Alenia Space.
Space Q&A : en 3 mots, quelles sont les qualités requises dans votre métier ?
JdM : Adaptabilité, dynamisme et excellentes qualités relationnelles !
Copyrights:
Artistic view 1: © Thales Alenia Space/Briot
ColRobot Artistic view : © KUKA